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Rétrospective 2021 de l’économie tunisienne: Une année éprouvante

L’économie tunisienne ne s’est toujours pas fixé un cap. L’absence d’une vision réformiste a creusé les défaillances structurelles : une croissance molle et insuffisante pour résorber le chômage et rétablir les équilibres macroéconomiques, une inflation qui érode le pouvoir d’achat du citoyen, un investissement d’autant plus déprimé et un déficit budgétaire élevé. La facture demeure lourde dans un environnement national et international trouble où l’économie nationale et internationale est chahutée par les conséquences liées à la pandémie.


Tout cela a impacté non seulement la fluidité des affaires mais a entretenu de surcroît un climat d’incertitude néfaste sur l’économie. Mais peut-on durablement s’accommoder dans une situation dans laquelle les opérateurs économiques, sans aucune visibilité, sont incapables de se projeter ? Certainement pas. Les maux de l’économie tunisienne ne peuvent être réglés qu’en mettant le cap sur les réformes.

La dégradation inquiétante des indicateurs économiques et sociaux exige des politiques de ruptures, des stratégies audacieuses et innovantes, de nouvelles gouvernances, à adopter sans plus tarder.

Suite à la cette crise économique et sanitaire majeure, des pans entiers de l’activité économique et plus particulièrement les secteurs ayant le plus d’impact sur la dynamique de croissance, la génération des revenus et la création d’emploi, ont été affectés. Néanmoins, le souci de relancer la machine productive ne peut faire fi des risques macroéconomiques susceptibles de surgir en 2022. Risques dépendant tout autant du rythme de reprise économique que d’éventuels rebonds de la pandémie.

Ainsi, au premier plan des risques macroéconomiques figure celui du rythme de croissance économique qui ne cesse de ralentir pour atteindre des seuils les plus bas.

Une reprise plus lente que prévu

Les retombées économiques de la crise sanitaire en Tunisie se font, malheureusement, encore sentir. Les indicateurs économiques à fin août 2021 font état d’une reprise économique plus lente que prévu, d’une accélération de l’inflation, d’un niveau des échanges s’approchant de celui d’avant-crise et d’une baisse des réserves en devises suite au paiement de deux échéances d’emprunts internationaux. Selon les projections du FMI, la croissance du PIB devrait s’établir à 3,0% en 2021. « Une reprise difficile à réaliser au milieu de ce flou politique et en l’absence de plan de relance, de réformes et de visibilité », lit-on dans la revue de L’intermédiaire en Bourse Tunisie Valeurs, sur la conjoncture économique, publiée au mois de novembre dernier.

Selon la même source, la pandémie covid-19 a plongé la Tunisie en 2020 dans la plus profonde récession, depuis son indépendance. Selon le ministère des Finances, le PIB réel s’est contracté de 8,6% en 2020. Le taux de chômage a atteint son summum (18% à la fin de 2020).

La reprise en 2021 a été lente. A fin juin 2021, le PIB est resté en deçà des niveaux d’avant-crise. Après avoir progressé de 0,2% au premier trimestre de 2021 en glissement trimestriel, l’activité économique, encore éprouvée par la crise sanitaire, a décroché de -2% au deuxième trimestre de l’année en comparaison avec le 1er trimestre.

En glissement annuel, le PIB, à fin juin 2021, aurait affiché un rebond technique de 16,2% grâce à un effet de base favorable généré par la chute historique de l’activité au deuxième trimestre de 2020. « Cette évolution porte la marque, essentiellement, de la chute de la valeur ajoutée des activités de la branche de l’hôtellerie, de la restauration et des services du transport et d’entreposage de -35,2% et -20,9% en glissement trimestriel, respectivement, après une hausse de +10,0% et +1,3% au T1-2021 » .

Quant à l’activité du secteur d’extraction du pétrole brut et du gaz naturel, elle a enregistré une légère baisse, au cours du deuxième trimestre de 2021 de-2,9% contre +33,4%, au premier trimestre. Quant aux principales industries exportatrices, à savoir les Industries Mécaniques et Electriques (IME) et celles du Textile, Habillement et Cuir (THC), leurs valeurs ajoutées se sont accrues de +1,0% et +3,4% au T2-2021 contre +0,5% et -4,0% un trimestre auparavant.

L’analyse indique, qu’en 2021, la croissance du PIB devrait rebondir à 3,0%. Cette projection reste tributaire de la durée et de l’intensité de la pandémie, mais également de la future politique budgétaire et des réformes structurelles à adopter.

Autre indicateur, en septembre 2021, l’inflation a atteint 6,2%, en glissement annuel, pour le deuxième mois consécutif, après 5,7%, au mois de juin, et contre 4,9%, en décembre 2020. « Cette accélération porte la marque essentiellement des hausses importantes des prix de certains produits frais et administrés ». Les récentes prévisions tablent sur un taux d’inflation moyen de 5,7%, en 2021, et de 6,5%, en 2022.

Le déficit commercial se creuse de 18%

Retrouvant leur dynamisme d’avant crise, les exportations totales se sont établies à 33,6 milliards de dinars, à fin septembre 2021, soit une forte progression de 22% par rapport à la même période en 2020, une période marquée par une baisse de 16,6% suite aux restrictions imposées à la circulation des biens et des services visant à limiter la propagation du virus covid-19. Également, les importations ont progressé de 21% pour s’établir à 45,6 milliards de dinars. A fin septembre 2021, le déficit commercial s’est élevé à 12 milliards de dinars, se creusant de 18% par rapport à la même période en 2020.

A la fin des huit premiers mois de 2021, le déficit courant s’est réduit pour s’établir à 3,5% du PIB, contre 4,8% un an auparavant. Cet apaisement a été favorisé, principalement, par l’amélioration des flux de revenus du travail (+42,5% en glissement annuel) et la relative amélioration des recettes touristiques (+5,2% annuellement). Sur l’année pleine, le déficit courant de la Tunisie devrait se situer autour de 7,3% du PIB, en aggravation de 0,5% par rapport à 2020.

Pour ce qui est des réserves en devises, elles se sont établies à 20 962 MDt (ou 127 jours d’importation), en baisse de –9,2% par rapport à leur niveau de fin 2020 (23 099 MDt ou 162 jours d’importation), « laquelle baisse est imputable à la régression du volume des ressources extérieures mobilisées et au remboursement à la fin du mois de juillet 2021 et au début du mois d’août, de deux emprunts contractés sur le marché financier international (pour plus de 1 milliard de dollars américains) ».

Elargissement du déficit budgétaire et flambée de l’endettement

Les statistiques affichées dans cette revue, montrent qu’à fin Juillet 2021, le déficit budgétaire s’est établi à -2 633 MDt, contre -4 526 MDt un an auparavant. « Cet apaisement a été favorisé par la bonne tenue des recettes fiscales (18 milliards de dinars, leur niveau d’avant la pandémie). Les dépenses de gestion se sont maintenues quasi-stables à 20,7 milliards de dinars. Il est important de signaler que le déficit budgétaire en 2020 tient compte de l’engagement de l’Etat envers certains établissements publics ».

De l’autre côté, les dépenses d’investissement ont accusé une baisse importante de -36% pour s’établir à seulement 1 814,5 MDt, à fin juillet 2021, « ce qui est de nature à compromettre les chances d’une reprise rapide de la croissance, cette dernière ayant tant besoin de l’investissement public pour fédérer l’investissement privé ».

Incontestablement la pandémie a aggravé les déséquilibres budgétaires déjà marqués de la Tunisie et a fait naître des besoins urgents de financement. Un retard dans la mobilisation des ressources extérieures a été enregistré, « creusant davantage le gap de financement du Budget de l’Etat en 2021. Ainsi, les ressources d’emprunts intérieures ont pratiquement représenté les deux tiers de l’enveloppe totale des emprunts mobilisée à fin juillet 2021, qui s’est élevée à 8,8 milliards de dinars ».

Concernant l’encours de la dette publique, il a poursuivi son ascension, dépassant la barre de 99 milliards de dinars, à fin juillet 2021, soit en hausse 11,2% par rapport aux niveaux atteints l’année précédente. « Le service de la dette publique en Tunisie a atteint, à fin juillet dernier, un record de 8,5 milliards de dinars, selon les résultats provisoires de l’exécution du Budget de l’Etat. Le montant du service de la dette a ainsi plus que quadruplé, depuis 2010. Selon les autorités nationales, l’endettement national devrait atteindre 90% du PIB en 2021, en ligne avec les Prévisions du Fonds Monétaire International et contre un niveau d’endettement de 85% en 2020 ».

Un chômage alarmant

Autre indicateur le plus marqué de l’année, celui du taux de chômage qui a atteint un niveau jamais enregistré. En effet, «la récession économique déclenchée par la crise et la chute des investissements est de nature à obstruer les horizons de l’emploi en Tunisie ». Selon l’INS, le taux de chômage se maintient à des niveaux élevés et aurait atteint 17,9% à fin juin 2021. Le nombre de chômeurs a été estimé à 746,4 mille, contre 742,8 mille chômeurs pour le premier trimestre 2021.

Des défis plus ardus en 2022

Aggravées par la crise sanitaire, les difficultés des finances publiques se font de plus en plus grandissantes. « Le flou politique et l’absence de visibilité rendent le bout du tunnel encore lointain et les défis à relever par le nouveau gouvernement encore plus ardus ».

Face à la situation actuelle des finances publiques, le gouvernement actuel est confronté à deux missions difficiles « face aux besoins importants pour boucler le Budget de l’Etat pour l’année 2021 et aux craintes des bailleurs de fonds internationaux au vu de la détérioration de la notation souveraine de la Tunisie et en l’absence d’un nouveau programme avec le FMI. Selon la Banque centrale, cette situation nécessite l’intensification de la coopération financière bilatérale d’ici la fin de l’année afin de mobiliser des ressources extérieures et d’éviter le financement monétaire eu égard à ses répercussions néfastes aussi bien sur l’inflation que sur les réserves en devises et la gestion du taux de change du dinar ».

Selon la même source, les finances publiques en Tunisie devront pâtir également de la hausse des cours internationaux du pétrole. Le renchérissement du pétrole est de nature à compromettre la soutenabilité de la dette publique et à accroître l’endettement du secteur public auprès du système bancaire. La persistance de cette situation mettra en péril la capacité du système bancaire à financer les opérateurs économiques et engendrera des répercussions fortement négatives sur les équilibres extérieurs et sur le marché des changes.

La reprise économique en Tunisie, sera favorisée par :

– Le redressement plus important que prévu des perspectives économiques mondiales, favorisé par la levée des restrictions sur les mouvements des personnes, des biens et des services et par les plans de relance engagés par l’Union européenne.

-L’amélioration de la production nationale des ressources naturelles notamment avec l’apaisement des troubles dans les zones d’extraction du phosphate, du gaz naturel et du pétrole et l’amélioration attendue de leur production et leurs recettes d’exportation. Ce qui sera de nature à diminuer les pressions sur la balance des paiements et sur le taux de change du dinar.

-Des réformes structurelles et audacieuses devraient être envisagées afin de sortir le pays de ce gouffre économique et financier. Les réformes doivent toucher les secteurs suivants : les finances publiques, les entreprises publiques, les caisses sociales, le climat des affaires, la santé, l’éducation et la gestion des ressources naturelles.

– Accroître l’effort de l’investissement public et le fédérer à l’investissement privé tout en améliorant le climat des affaires est la panacée pour retrouver un niveau de croissance à même de répondre aux prérogatives sociales de plus en plus urgentes (chômage, pauvreté, santé et dignité). Un plan de relance économique et social bien cohérent, mené par une volonté politique inébranlable, permettrait de surmonter le naufrage économique auquel le pays fait face. Il doit s’accompagner d’une politique monétaire accommodante, de réformes structurelles favorisant l’amélioration de la compétitivité économique du pays et permettant de booster l’investissement.

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